Le cœur battant d’Edinburgh. Combien de fois s’y était-elle rendue pour ses propres affaires ? Oh, bien sûr, sa meute de rats avait gardé son QG dans les confins de la ville, dans la retraite de Glascow, mais chacun d’eux savait où les affaires battaient leur plein. Très souvent, on voyait des gosses des rues se faufiler entre les passants peuplant le marché noir. Ils étaient suffisamment petits pour éviter les deux énormes trolls qui en gardaient l’entrée et connaissaient, de toute manière, toutes les entrées pour se glisser parmi la masse grouillante des pouilleux d’Edinburgh. En son sein, très peu les remarquaient, et ceux qui les voyaient haussaient à peine le sourcil. Ah, oui, encore un de ceux-là, mais c’était tout. On était habitué à leur présence. Les gens avaient appris à se méfier d’eux tout en les ignorant royalement.
Dust avait eu l’avantage de la taille étant gamine. En plus, son aspect chétif avait su attirer la pitié, et parfois pouvait marcher encore, même si elle apparaissait plus comme un adolescent que comme une petite fille à présent. Néanmoins, certains la connaissaient, et cela créait autant de bons que de mauvais côtés. La plupart des personnes se rendant en ces lieux savaient qu’il valait mieux l’éviter, les autres avaient su exploiter les talents de ses pairs. Un rat ne refusera jamais le moindre salaire, de ce fait le bénéfice à tirer de cette situation peut s’avérer incroyablement avantageux. Beaucoup de commerçants avaient appris à les utiliser tout en leur fournissant de quoi vivre en retour.
Cependant, ce jour-là, la sidhe-seer chassait.
Quelques nuits auparavant, ses pas avaient croisé ceux de l’Ombre mais, même si elle en cauchemardait encore, elle savait qu’elle avait son dû à payer au chef de sa meute, comme chaque semaine. Il fallait qu’elle revienne sur le terrain, qu’elle sorte de sa cachette. En outre, même si les trolls avaient toléré son intrusion parmi eux, ils se sentaient autant gênés par elle que l’inverse. Dust avait donc revêtu ses habits de garçon, et voilà qu’elle évoluait parmi la foule en quête d’un pigeon à déplumer.
Sa casquette rabattue devant ses yeux, elle laissa son regard errer ça et là, en prenant l’air de rien. Courbée, les mains dans les poches, elle marchait avec l’attitude de ceux qui flânent en guettant la bonne occasion. C’est là qu’elle la vit. Les cheveux longs. Brune. Des yeux de feuille et de pluie qui regardaient le monde sans ciller. Elle semblait parler à quelqu’un et lui vouer toute son attention. Il n’en fallut pas plus à ce sale gosse.
Accélérant le pas, elle évita encore quelques personnes sur son passage, maugréant à voix basses des excuses. Il n’était pas rare que des faës se trouvent en ces lieux, bien au contraire. Dust avait pris l’habitude de sentir les signes avant-coureurs du rapprochement de l’un d’eux. La douce aura du Glamour l’effleurait parfois, mais elle avait vite fait de passer son chemin. Esquivant, se laissant glisser entre deux hommes robustes, elle fit mine d’observer une panoplie de vieilles reliques que vendait une jeune femme asiatique et, sitôt qu’elle fut proche de sa proie, la percuta lourdement.
Elle laissa aussitôt échapper une exclamation de surprise, feignant la gêne, rougissant comme un jeune garçon peu habitué à ce genre de contact.
« Pardon, pardon m’zelle. Ça va ? J’suis désolé ! J’vous ai pas vu ! »
Encore contre elle, elle plongea son regard embarrassé dans le sien tandis que, vifs comme l’éclair, ses doigts s’incrustaient dans les poches de son blouson. Peut-être que… Là ! Une poignée de billets se froissèrent lorsqu’elle les effleura. Tâtonnant à l’aveuglette, elle parvint rapidement à les saisir et à les glisser dans sa manche.
« Désolé, m’zelle ! Vraiment désolé ! »
Sur ces mots, elle s’écarta de la jeune fille, levant les mains en signe de paix et commençant à faire marche arrière.